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Qu'est-ce que l'œcuménisme ?

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Session œcuménique des jeunes - Nîmes 2004

par Robin Sautter


Jusqu'à la session œcuménique des jeunes 2004, j'étais persuadé, en tant que protestant français, d'avoir grandi dans l'œcuménisme. Dans ma scolarité, dans mes études, dans ma belle famille, j'avais toujours côtoyé des catholiques. Je pensais donc bien connaître cette confession. Pourtant, même si je connaissais un certain nombre d'éléments théoriques, je me suis rendu compte au cours de cette session que je n'avais alors jamais " vécu l'œcuménisme". La question de l'unité de l'Eglise m'apparaissait comme un faux problème et ne me semblait pas quelque chose que l'on puisse souhaiter atteindre. On connaît bien le genre de refrain qui coupe court à toute discussion : " il faut respecter la diversité des opinions ", " vive la liberté de choix ", etc.. . Je voyais la diversité des confessions comme une richesse mais surtout pas comme une division qui fait souffrir et que l'on peut espérer réparer.

En y réfléchissant, je me rends compte que les nombreuses discussions que j'avais jusqu'alors échangées avec des catholiques n'étaient pas des discussions de foi mais de simples considérations socio-culturelles. Je vois deux raisons principales à l'absence de profondeur et d'intérêt de ces discussions.

Tout d'abord, il se trouve que ces interlocuteurs n'avaient souvent de catholique que l'origine, la famille. Leur connaissance du christianisme était plus que bancale et je m'acharnais alors à leur expliquer les différences entre catholiques et protestants. Je sais aujourd'hui que cette attitude qui était la mienne ne fait que raviver les tensions et entretenir les divisions. Moi qui croyais annoncer ainsi la bonne-nouvelle, j'en faisais en fait un bien piètre témoignage…

La deuxième raison me semble être le cadre dans lequel avait lieu ces discussions : un cadre complètement informel et excessivement " laïcisé ", un cadre qui empêche de pénétrer dans l'intime de la foi vécue. Au cours de mon catéchisme, l'Eglise ne m'avait malheureusement jamais proposé de vrai cadre œcuménique dans lequel chacun ose parler personnellement de sa foi.

La session de Nîmes 2004 a débloqué la situation en palliant à ces deux problèmes :

1. Les interlocuteurs étaient tous enthousiastes et épanouis dans leur confession. Contrairement à un grand nombre des pratiquants de nos confessions respectives, ils apportent un témoignage vivant et positif de leurs pratiques. On se rassemble autour de la figure du Christ et on touche au cœur de la foi

2. Le cadre, choisi et construit par les organisateurs, est particulièrement propice. Non seulement le cadre géographique (région, confort de la maison diocésaine, tranquillité du cloître…) mais aussi le cadre institutionnel. L'objectif de la semaine, à savoir nous sensibiliser et nous faire réfléchir à l'œcuménisme, était clairement annoncé et les animateurs tous expérimentés et mandatés à ce titre par leurs églises respectives.

Un autre élément non négligeable est la présence significative des orthodoxes. Le schéma classique de la confrontation du protestant (minoritaire) avec le catholique (majoritaire) est évité au profit d'un dialogue tripartite. Quelque soit la discussion entre deux confessions, il y a un tiers qui va faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre, un tiers qui peut aussi remettre en question le bien-fondé de cette opposition et tend ainsi à pacifier le débat.

Grâce ce climat de confiance et de fraternité, nous avons pu aller au fond de nos discussions. Les nombreux temps libres et la longueur du temps consacré à la sieste ont largement permit de faire honneur aux temps de formation en les prolongeant par ces discussions interminables et passionnées.

Nous parlions d'individu à individu, de frère à frère et on se rendait compte que, à partir de positions institutionnelles ou doctrinales apparemment différentes, on retrouvait la recherche d'une même vérité. Il fallait ces temps forts vécus en communion et toutes ces discussions inter-personnelles pour retrouver une base commune : l'attitude du Chrétien qui emploie toute sa force pour connaître Dieu, et qui cherche à être le plus possible fidèle à l'enseignement du Christ. Une fois cette connexion assurée, une communication constructive sur nos différences pouvait avoir lieu. Nous avons alors discuté pour cerner au mieux quels étaient les points d'accord et les points chauds. Le dernier temps formel de la semaine consacré à cette question nous a montré que l'on était loin d'avoir fait le tour de la question car chacun avait son idée sur la question….

Pour ma part, il me semble finalement que le cœur de nos incompréhensions repose sur des manières différentes de comprendre l'Eglise. Si la plupart des énoncés dogmatiques, si nos manières de vivre la foi en Christ sont souvent comparables, nous comprenons par contre différemment l'Eglise. Il est clair par exemple que pour un catholique, l'Eglise, en tant que corps du Christ ne peut être que une et universelle, c'est à dire catholique. Il faut se rappeler les efforts de Saint Augustin (sur lequel les protestants s'appuient pourtant si souvent) pour que l'Eglise demeure " catholique ". Autant cette position de l'église catholique me paraissait prétentieuse avant, autant maintenant je peux comprendre ce désir d'unité même quand il espère le "retour " de l'autre confession.

Les protestants ont peut-être oublié ce désir d'unité qui animait tant Luther et se sont habitués à cette fracture de l'histoire comme si elle avait toujours existé, comme si elle était irréparable. Pourtant, de notre manière d'appréhender l'Histoire découle notre compréhension de la nature de l'Eglise. Dieu veut-il que son Eglise soit divisée ? Comment deux Eglises ennemis peuvent-elles témoigner d'un seul et même Dieu ? L'Eglise n'est-elle qu'une institution humaine dans toute sa faiblesse ou bien est-elle inspirée et portée par Dieu ? Les deux probablement. Comme le dirait Gill Daudé, chacun place son curseur plutôt vers la gauche ou plutôt vers la droite. Pour les catholiques et les orthodoxes, la grandeur de Dieu se reflète nécessairement à travers celle de l'Eglise. Les protestants, par peur d'enfermer Dieu dans un carcan, remettent perpétuellement en cause la nature divine de l'Eglise. On revient ici à St Augustin avec ses deux cités, la cité céleste et la cité terrestre, le déjà du Royaume de Dieu et le pas encore de notre monde. Il me semble que l'ecclésiologie doit être le cœur du débat œcuménique. Quelle unité " ecclésiologique " Dieu veut-il pour son Eglise ? Le fait que le débat œcuménique bute sur la question de l'eucharistie n'est pas anodin : elle est un condensé de nos conceptions eccliésiologiques. A ce propose, le père David Roure me disait que l'accord sur l'eucharistie devait être considéré non pas comme une étape de l'œcuménisme mais comme cette session Cette session m'a vraiment donné envie de m'intéresser beaucoup plus à cette question de l'ecclésiologie. J'ai surtout compris que c'est en se penchant sur l'Histoire et en travaillant sur notre mémoire que nous avancerons sur le chemin de l'unité et dans le connaissance de Dieu.

S'il fallait résumer brièvement l'impact de cette session, j'aimerais redire qu'elle a été avant tout pour moi une véritable expérience de foi, quitte à dire, comme les protestants évangéliques, qu'elle m'a fait " grandir dans ma foi ". Mais le plus important, c'est que désormais je n'appelle plus les autres chrétiens " frères " par politesse et par respect mais parce que j'en suis intimement convaincu.

NB : le grand mérite de cette session est de constituer un réseau de jeunes sensibilisés à l'œcuménisme. A ce sujet, je regrette très sincèrement qu'aucun séminariste catholique n'y ait participé.







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